
En mars, on lit un peu partout les bienfaits de la sève de bouleau comme purifiant, détoxifiant, reminéralisant et plus encore. Mais c’est oublier les apports spirituels et l’enseignement que nous procure cet arbre sacré.
A son contact subtil, on se sent déchargé d’un poids, celui des conditionnements qui nous empêchent de communiquer pleinement avec l’extérieur. On devient naturellement désireux d’aller de l’avant, entamant une belle ascension sans une once de peur pour l’inconnu. Flottant dans une ondée subtile, l’arc-en-ciel s’ouvre à nous pour offrir ses couleurs de lumière et nous amener tranquillement à ce qui est bon pour nous. La vie devient sacrée, un sacre voué à retirer les apparats, les habits, le costume entravant la mise à nu pour apparaitre tel que l’on est et tel que l’on doit être. Les faux-semblants ne font plus partie du jeu, on parvient à oublier ce monde illusoire pour échanger avec d’autres mondes. De son rapport permanent à l’eau, on perçoit cet allié aquatique sous toutes ses formes pour enfin trouver la clarté de l’esprit.
Pour en intégrer cet enseignement vivant, voici une histoire courte.


Luna est une petite fille qui a perdu ses parents voilà bien longtemps. Elle vit dans un orphelinat du centre de la France, là où le climat est rude parfois mais offre la quiétude du silence très souvent.
Ce matin-là, le soleil est levé, la nature a mis ses habits de lumière et Luna compte bien en profiter. Elle part, sautillant à travers champ avec la joie d’une enfant libre de ses mouvements, sans la pression que lui inflige parfois le monde adulte. Elle s’arrête en plein cœur d’une prairie, entourée de milles fleurs autour d’elle et se couche dans l’herbe, un brin à la bouche comme pour mieux savourer la fraîcheur du lieu.
Les yeux regardant le ciel, elle n’a d’autre souci que d’observer tous ces papillons qu’elles n’avaient pas vu sur sa route. Ils sont de toutes les couleurs, virevoltant à son regard dans un tourbillon étoilé. Elle se prend à imaginer comment ils pouvaient être à l’état de chenille avant d’être là, insouciants aux yeux de tous et n’offrant qu’un battement d’ailes féérique à qui voulait bien les observer.
La jeune fille avait pris soin de prendre une petite serviette en éponge car elle savait qu’une rivière se trouvait à proximité. D’un bond, la voilà debout pour aller goûter la fraîcheur de l’eau sur sa peau. Arrivée sur le bord de la rive, elle se met nue car elle savait que personne ne trainait par là, l’endroit était bien trop sauvage. Elle glisse un pied dans l’eau puis un second et s’immerge au cœur de la rivière comme elle aimait à le faire avec ses parents avant l’accident. C’est un des rares souvenirs qu’elle a gardé car elle était très jeune au moment de leur mort.
Ainsi plongée dans l’eau, elle baisse la tête, observe son visage dans le reflet, y voit à nouveau les papillons se noyant au milieu des éclats de soleil nappant la surface de l’eau. Les poissons la frôlent, se regroupant autour d’elle comme mille abeilles à leur miel. Elle ferme les yeux, se laisse emmener à cette sensation de perdre l’usage de la raison pour sentir ses pieds profondément dans le sol. En cet instant, ils prennent la forme de racines s’enfonçant dans la glaise, des radicelles se forment, son corps prend l’allure d’un arbre qui germe dans l’eau et poursuit sa route vers le ciel. Mais pourquoi monte-t’elle ainsi ?
Un peu de frayeur apparait mais les papillons sont toujours là qui volent autour d’elle dans cette ascension dont elle ne connait pas le but. Le tronc continue de pousser lui offrant le détachement au temps qui n’existe plus ici alors qu’elle passe les nuages. Alors qu’elle croyait sa route infinie, ses parents sont là, leur regard n’a pas changé, elle y retrouve l’infini dans leurs yeux, l’amour sans faille de la vie après la vie. Elles les savaient à ses côtés mais les revoir ici renforce sa conviction de vivre à chaque instant dans un passage, un moment suspendu hors du temps et des l’espace.
Luna ouvre les yeux, elle entend des cris dans la maison, ses enfants sont donc réveillés. Ce rêve lui a donné envie de les emmener se promener au bord de l’eau pour leur offrir la promesse d’un souvenir qu’ils pourraient goûter à l’avenir. Alors qu’ils flânent auprès de la rivière, elle décide de les emmener dans la forêt de bouleaux qu’on observe non loin de là.
Alors qu’ils se laissent porter par le vent s’engouffrant dans les feuilles en un bruissement enchanté, ils s’arrêtent devant une énorme fourmilière. En silence, ils s’installent à califourchon autour de ce château terrestre. Ils dévorent le spectacle des maîtresses de ce lieu, les regardant porter sans relâche leur cargaison vers le haut de la butte. D’incessants va-et-vient qui font tomber la famille dans un moment introspectif sur le sens de ce travail acharné dont ils savent que seule la reine en est la bénéficiaire.
Luna regarde ses enfants et leur dit que c’est un peu ça la vie, travailler ardemment au service d’un enjeu que nous ne connaissons pas, ne pas connaître les réponses et pourtant s’en remettre à ce que nous faisons en chaque instant. Peu importe que tout cela ait un sens sinon la joie d’avancer sans but intimement convaincu que ça en a un.